lundi 20 avril 2009

Paradis fiscaux : un chantier s'ouvre pour les banques françaises

Paradis fiscaux : un chantier s'ouvre pour les banques françaises


Les banques françaises ont promis de prendre des initiatives en matière de paradis fiscaux, à la suite du G20. Les syndicats ont pris date en demandant des comptes détaillés aux directions bancaires. Certaines activités se trouvent déjà sous les feux des projecteurs.
Un nouveau chantier vient de s'ouvrir pour les banques françaises après les déclarations de Georges Pauget, président de la Fédération bancaire française (FBF). Ce dernier a en effet promis, vendredi, à sa sortie de l'Elysée où Nicolas Sarkozy leur avait demandé de se montrer " exemplaires " dans l'application des décisions du G20, que les banques prendraient " des initiatives pour ce qui relève des paradis fiscaux ". Hier les grandes banques ne donnaient pas beaucoup de détails sur leurs pistes concrètes. Pour leur part, les syndicats ont déjà réagi. L'Intersyndicale des banques a appelé " ses militants à demander des comptes aux directions bancaires " sur la liste exhaustive de leurs implantations dans les paradis fiscaux.


Les chiffres manquent il est vrai en la matière. Le groupe bancaire le plus international, BNP Paribas, a précisé ces dernières semaines que la part de son produit net bancaire réalisé dans les paradis fiscaux et centres off-shore était inférieure à 2 %, toutes activités bancaires confondues. Le chiffre paraît minime par rapport à la perception du grand public, mais il ne rend pas compte, évidemment, de l'utilisation de structures juridiques logées dans des paradis ou places offshore pour les besoins de certaines transactions. En attendant, trois familles d'activités bancaires sont connues pour avoir des liens avec les paradis fiscaux et centres financiers offshore, y compris en tout bien tout honneur.
· La banque privée. Toutes les grandes banques françaises opèrent dans le domaine de la banque privée, c'est-à-dire de la gestion de fortune pour des clients aisés en France et à l'étranger. Le leader est BNP Paribas, sixième banque privée mondiale avec 141 milliards d'euros d'actifs gérés fin 2008 (dont 56 milliards en France) là où Crédit Agricole gérait plus de 85 milliards et la Société Générale 67 milliards. Gestion privée et institutionnelle de BNP Paribas représentaient 0,9 % du PNB du groupe et 15 % du résultat avant impôt l'an dernier.
Dans le cadre de ce métier, les grandes banques ont développé une présence dans les grandes places de gestion des capitaux dits offshore (détenus par des clients hors de leur pays de résidence) où elles servent une clientèle française et internationale, dans le respect de leur déontologie interne et des lois locales. Certains de ces pays sont toutefois pointés par l'OCDE, à commencer par la Suisse, le premier centre mondial de gestion offshore (voir illustration ci-contre) placée sur la liste grise à cause de l'étanchéité de son secret bancaire, sur le point de s'assouplir sous la pression internationale.
· La banque de financement et d'investissement (BFI). Le passage par des paradis fiscaux est fréquemment utilisé par les BFI dans différents types de montages, mais pour des raisons diverses : optimisation fiscale, comptable ou réglementaire, l'aspect fiscal étant paradoxalement le moins important. L'aspect comptable, en revanche, a permis aux banques de déconsolider leurs véhicules de titrisation (ou " conduits "), en les domiciliant dans des paradis fiscaux, échappant ainsi aux contraintes prudentielles du régulateur. La crise les a, de fait, contraintes à reconsolider ces structures. Enfin, la souplesse réglementaire de certains paradis fiscaux permet aux banques, comme aux fonds alternatifs ou aux réassureurs, de faire très facilement des opérations entrant dans une catégorie très réglementée.
· La gestion d'actifs. L'affaire Maddoff a popularisé le phénomène, nombre d'OPCVM sont domiciliés au Luxembourg, y compris quand les acheteurs sont des clients français suivis en France. Explication : le savoir faire des équipes locales et surtout la réglementation luxembourgeoise, qui facilite la distribution de ces produits à l'international et permet des économies de coûts pour les banques. Les groupes français disposent donc d'équipes sur place. La France représente 6 à 8 % du marché des promoteurs de fonds qui pèse au total 1.600 milliards d'euros d'actifs nets. Par ailleurs, la gestion " alternative " est forte utilisatrice de fonds d'investissements domicilié sur certaines place offshore.
S. R., R. R. ET E. C.