samedi 13 février 2010

France : croissance flatteuse mais fragile fin 2009

Paris a dégagé une croissance de 0,6%, là où Berlin se contente d'un zéro pointé. Mais au-delà de cet affichage, la sortie de crise de l'économie française reste problématique.
La performance est-elle solide, et appelée à se renouveler ? L'économie française s'est distinguée au sein de la zone euro en dégageant au quatrième trimestre 2009 une croissance 0,6%, là où la puissante Allemagne se contente d'un zéro pointé, L'Espagne reste en zone négative pour la sixième période consécutive (-0,1%), et où l'Italie, après un sursaut au troisième trimestre, est victime d'un nouveau creux de son activité en fin d'année (-0,2%) . L'ensemble de la zone euro n'affiche qu'une progression de +0,1%. Seules l'Estonie (+2,6%) et la Slovaquie font mieux que la France parmi les seize pays membres de la zone euro.
La performance de Paris a de quoi réjouir Christine Lagarde, qui s'est félicitée vendredi de ce "résultat satisfaisant (...). J'avais dit qu'on terminerait l'année sur les chapeaux de roues, il y a beaucoup de gens qui se sont moqués de moi à ce moment-là", a-t-elle rappelé. Mais
C'est la consommation qui a tiré l'activité en fin d'année en France. Au quatrième trimestre, les dépenses de consommation des ménages ont augmenté de 0,9% (après 0,1% au troisième trimestre). Cette hausse s'explique par une nette progression des achats d'automobiles ( 8,0% après -0,4%), grâce à la prime à la casse, qui va progressivement diminuer en 2010, souligne l'Insee. Autre point supérieur aux attentes, la reconstitution des stocks, avec une contribution positive En revanche, l'investissement s'est de nouveau contracté "nettement" (-1,2% après -1,4%) et le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance du PIB.
Au-delà du facteur prime à la casse, la traditionnelle force d'inertie de l'économie française - moins sujette aux fortes secousses à la baisse, moins réactive à la hausse - est l'explication la plus souvent évoquée de ce différentiel important avec les pays voisins. Mais dans quelle mesure cette performance peut-elle se maintenir en période de sortie de crise ? La prévision officielle de Bercy pour 2010 est de 1,4%. Soit le même chiffre que Berlin. Le consensus moyen des économistes se situe d'ailleurs aussi, pour l'Hexagone, à 1,4% cette année. Mais il recouvre une palette remarquablement large, qui va de 0,6% (de la part de l'OFCE) à +2% (Coe-Rexecode) et même 2,6% (UBS).
"Les chiffres sur la consommation automobile, si l'on se rappelle la "balladurette" et la "jupette", ne sont pas forcément une bonne nouvelle, commente Philippe Waechter, directeur de la Recherche Économique chez Natixis. L'autre élément remarquable, la forte variation de stock,supérieure à celle enregistrée aux Etats-Unis, n'est pas de meilleur augure. Au premier trimestre, les entreprises risquent de se trouver dans une position inconfortable, avec de gros stocks et une demande faible. Pour moi les chiffres de ce matin ne sont pas bons du tout, au-delà de l'affichage favorable". Et plusieurs autres prévisionnistes redoutent une baisse de la consommation des ménages français, avec la diminution progressive de la prime à la casse. L'hypothèse d'un nouveau creux de l'activité, craint par de nombreux analystes concernant la région d'exercice de l'euro, est en revanche écarté par la quasi-totalité des observateurs pour la France.
La zone euro est-elle mal partie en 2010 ? "Le zéro allemand est un peu décevant c'est vrai, mais c'est une première estimation. N'oublions pas que le redémarrage du commerce mondial date de début 2010 seulement. Les signaux positifs sont là désormais, lisibles via les indicateurs mensuels, notamment aux Etats-Unis et au Japon. La baisse de l'euro est plutôt une bonne nouvelle à cet égard, et la France, avec ses spécialisations industrielles, est concernée par ce rebond des exportations", avance Patrice Gautry, chef économiste à l'Union Bancaire Privée. La Chine, elle, est en train de tenter de refroidir une économie en surchauffe. "Nous assistons à une sorte de front renversé de ce G2 mondial, par rapport à début 2009 : la Chine freine et les Etats-Unis repartent". Là se situe sans doute, pour la zone euro aussi, la clé de la reprise en 2010.